JC15 - MUSASHI-KOGANEI 武蔵小金井

850,00 €

Une oeuvre d’Apollo Thomas

Gouche sur Celluloid

Giclée Print 310g

40x50cm

Vendue encadrée

Frais de port non inclus.

Sue est rentrée en Angleterre finir sa thèse cet été là et n’est pas revenue à Tokyo, même pour Hanami.
Ou elle ne l’avait pas prévenue.
Elle avait l’impression soudaine d’avoir survolé sa propre vie trois ans durant ; elle paraissait tout à coup trop simple à résumer. Elle pensait à toutes ces fins d’histoires et ces histoires pas finies qu’elle refusait de voir s’effriter définitivement dans le bruit des pistons hydrauliques et des frottements sur les rails du métro. Elle repensa à l’histoire du type coincé dans un terminal d’aéroport à vie parce que son pays « disparaît » le temps de son vol, et se demanda s’il existait quelqu’unx qui aurait volontairement passé sa vie entière à prendre des métros et changer de ligne sans jamais sortir, revivant inlassablement ce qui s’est passé pour d’autres personnes à chaque station. Élisant dans la foule unx voyageureuse pour regarder le film de sa vie sur la ligne de son choix.

Elle avait l’impression que son film à elle serait rempli de moments très joyeux qui passeraient en accéléré suivis de séquences mélancoliques qui viendraient tout alourdir comme dans les mauvaises bande-annonces françaises.
Elle arriva chez elle, ouvrit les deux grosses valises vides toutes neuves et commença à enfourner les piles de vêtements dans la première. Elle entrecoupa avec des couches de livres pour répartir le poids. Elle fourra le contenu de la boîte à trucs et les livres restants dans la deuxième et dans un grand sac elle vida tous les cadeaux qu’elle accumulait en prévision d’un voyage direction l’Europe. Elle avait finalement moins d’affaires que ce qu’elle pensait. Elle se sentit tout à coup plus légère que prévu. Aucune pesanteur superflue n’avait l’intention de noircir le tableau comme on dit. Elle rangeait calmement comme si elle partait pour un week- end. C’était le début de l’hiver et elle ne transpirait pas. Elle enroula son futon, épousseta les tatamis, ouvrit grand la fenêtre à coulisse. La nuit tombait et le ciel en feu brûlait sur toutes les vitres.

Elle descendit l’escalier qui donnait sur la rue avec une valise à chaque fois, les poubelles, même si ce n’était pas le bon jour, et elle remonta fermer à clé avant de faire tomber les clés dans la boîte aux lettres.
Dede arriva sur son scooter en bas de la maison et s’inclina en prononçant en français :

« Direction Haneda.
Deirdre à votre service. »
Elle descendit les dernières marches, enfila le casque et enjamba l’assise.
Le scooter vrombit, elles se mirent à crier et elle agrippa Dede de toutes ses forces : « Tokyo — Mataneeeeeeeee ! »

Un texte de Clara Pacotte inspiré d’après l’oeuvre d’Apollo Thomas.

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