JC02 - KANDA 神田

850,00 €

Une oeuvre d’Apollo Thomas

Gouche sur Celluloid

Giclée Print 310g

40x50cm

Vendue encadrée

Frais de port non inclus.

Elle se rendit compte en passant à Kanda qu’elle n’était jamais descendue à cette station mais qu’inconsciemment elle pensait en connaître les alentours.
Elle mit sur son téléphone « Kandawa », sa chanson préférée du groupe Kaguyahime, de la folk japonaise des années 70 qui passait en boucle le soir où elle avait rencontré pour la première fois une fille lesbienne à Tokyo. Elles étaient toutes les deux seules au comptoir d’un bar trop petit pour s’ignorer. Elles avaient commandé sans le vouloir la même boisson et la même omelette. Pour l’une un rituel, pour l’autre les deux seules choses qu’elle savait commander à ce moment-là.

Le patron du bar ne servait que des alcools forts avec des aromates à l’intérieur, les murs étaient tapissés de bocaux de fermentation et le bar flanqué de larges coupes en osier pleines de noix de pécan. Elle trouvait ça très chic d’offrir des noix de pécan comme des cacahuètes. La fille n’arrêtait pas d’en ouvrir de nouvelles et de balancer les coques par terre comme toustes les autres clientxs avant elle à en croire les petits tas accumulés aux pieds des cinq tabourets.

Ce soir-là elle parlèrent surtout avec les mains et s’échangèrent des titres de musique. Elle rentra chez elle en titubant un peu avec un morceau de papier recouvert de poussière de noix fixée par la transpiration de leurs verres. La fille lui donnait rendez-vous au même endroit la semaine suivante et y avait inscrit son numéro.

Elles se revirent pendant trois mois toutes les semaines toujours au même endroit, agrandirent une playlist commune, partagèrent des omelettes en buvant et en fumant. Elle se fichait toujours de la ramasse du lendemain parce que ce bar constituait une vaste prairie paisible où, dans le ciel du soir, flottaient les meilleures chansons de son futur. Un jour elle manqua leur rendez-vous à cause de ses règles, elle lui écrit pour la prévenir, son message n’atteignit jamais le téléphone de sa destinataire et la semaine suivante la fille n’était pas là.

À cause de cette chanson et de cette fille qui avaient presque le même nom, la station Kanda aurait toujours pour elle le goût du gin froid et de la salive épaissie par les noix et les cigarettes.

Un texte de Clara Pacotte inspiré de l’oeuvre d’Apollo Thomas.

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